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La Carretera Austral, pleine de surprises

Dernière mise à jour : 23 oct. 2020


Nous avons fait nos adieux à l'Argentine non sans peine après ces quelques jours merveilleux à El Chalten qui ont parfaitement ponctué le premier chapitre de nos aventures en Amérique du Sud. Et pour quoi faire ? Pour continuer à fouler ces terres méridionales que forme l'immense Patagonie pardi ! Mais au Chili maintenant. On nous a parlé de la différence marquante de cette même région entre les deux pays, séparés par la cordillère des Andes. Mais une image vaut mille mots, on ne s'attend jamais à rien. Nous quittons la pampa argentine, longues étendues de plaines, d'herbe sèche, dépeuplées d'arbres, aux teintes invariables, matérialisant la monotonie, poussant à l'introspection, à écouter la musique sans mot durant des heures de ligne droite... Nous arrivons de l'autre côté de la frontière, de l'autre côté des Andes, plantés au milieu de la Carretera Austral qui annonce un tout autre spectacle...



La Carretera Austral

Construite sous le régime militaire de Pinochet, cette route avait pour but de rendre accessible les villages les plus au sud du pays jusqu'alors très isolés. La tâche ne s'avéra pas facile car cette région est un concentré de forêts et de lacs coincés sur un filet de terre vallonée entre les Andes et les fjords qui longent l'océan Pacifique. Il fallut près de 20 ans pour créer de toute pièce ces 1240 kilomètres de route qui relient Villa O’Higgins au sud à Puerto Montt au nord. Taillée un peu maladroitement, les glissements de terrain, chutes d'arbres et de roches sont monnaie courante. Alors patience jeune apprenti padawan, embarque ton chocolat, tes amandes et de l’eau durant ton voyage, sait-on jamais.


Et qu'y a-t-il sur cette route australe ?


Le Parque Patagonia. Ce bout de Chili acheté par Tompkins (le boss de North Face) est une vraie mine à Guanacos, nous n’en avions jamais vu en si grande quantité. Perchés sur les reliefs au coucher du soleil tels des ombres chinoises, en train de se courser ou de brouter dans les plaines, ils nous donnent le sourire. Et puis qui dit beaucoup de Guanacos dit beaucoup de… Pumas ! Mission acceptée : rencontrer le roi des Andes. Cette journée-ci nous faisons une randonnée magnifique, seuls au monde à travers ces paysages andins qui ne cessent de nous émerveiller. Nous nous perdons, inquiets nous cherchons à nous repérer avec les points cardinaux, autant dire que ce n'est pas gagné. Notre mésaventure nous mène directement dans le sanctuaire du Puma… De nombreuses carcasses de guanacos recouvrent le sol, des os esseulés ici et là, des mâchoires. Bouh… Nous marchons aux aguets. Une empreinte, quand est-il passé par là ? Un caca frais… Les apprentis pisteurs que nous sommes sont carrément excités. Mais non. Après un heureux hasard nous retrouvons le chemin, bredouilles, et établissons notre camping sauvage pour le soir. Ce n’est pas tellement autorisé mais comme nous sommes hors saison… Personne ne viendra nous déranger. Le coucher de soleil est très beau. Un petit wok de légumes au réchaud et demain nous nous lèverons avant l’aurore pour parcourir en voiture un peu plus de ce parc espérant apercevoir le fameux félin. 6h de dodo. Tic toc tic toc. Les yeux collés on se met en marche… La route de terre sinueuse m’oblige à me concentrer sur la trajectoire et peu sur les alentours alors je compte sur Geoof pour le trouver. STOOOOOP ! Quoi ? Là-bas ! Quoi là-bas ? Non, dessous. Dessous où ? Le puma. Geoof est tellement heureux et moi... Et bien, je ne l’ai pas vu. Je suis heureuse pour lui mais quand même, crotte de bique, ça serait bien sympa que tu pointes à nouveau le bout de tes moustaches, même plus tard puisque ton habitat est la cordillère et que nous, nous n’allons pas la quitter.


Le Parque Patagonia regorge de guanacos

Nous partons ensuite pour Puerto Rio Tranquilo, un tout petit petit village au bord du lac Carrera General, lequel abrite des îles et des caves de marbre uniques au monde. Tranquilo, tranquilo, on serait pas un peu farceur par chez vous ? Le lac est déchaîné ! La seule force du vent crée une houle de dingue. Un bateau miteux revient de l’excursion qui nous attend, les gens sont trempés et le capitaine, lui, est tombé à l’eau. Les gens nous disent de ne pas monter, ils ont eu peur, ça se lit sur leur visage. Je toise Geoffrey, d'un regard on se dit qu’au pire on sera mouillé, rien de bien grave. Notre petit navire approche, il est beau comme un sou neuf, ça devrait aller pour nous. Let's go ! L’aller reste tranquille mais le retour… Je vous en parle plus tard. Les caves d'abord. Toutes les petites îles de ce grand lac, le plus grand du Chili, sont entièrement composées de marbre, c’est pas fou ça ? La plupart des îles sont propriétés privées de riches personnes du monde entier, alors interdiction de descendre du bateau. Un Suisse s’est même construit une maison troglodyte, de tout évidence en marbre et de loin elle a l’air tout simplement oufissime. Nous arrivons aux premières caves, qu’est-ce que c’est beau. En surface l’eau a sculpté la roche en formes reconnaissables, ici on voit la tête d’un ours, là-bas un éléphant, un singe. En dessous elle a creusé le marbre en canaux sous-terrains profonds dont les stries forment des vagues très graphiques. On rentre dans l'un d'eux, youpi, c'est beau ! Plus loin nous apercevons un îlot complètement creusé, traversé de part et d’autre en couloirs étroits comme dans une nef, c’est la cathédrale de marbre. Avec cette eau si bleue et ce beau marbre gris, nous atteignons une composition très artistique. On se régale, en plus l’équipage est au top. Sonne l’heure du retour… Des vagues de 2 mètres, no broma - sans blague, s’abattent sur ce petit rafiot. Mais notre capitaine est un super pilote qui a surement pratiqué ces eaux de nombreuses fois, il les prend à la perfection et se faufile dans la houle. Ce qui n'empêche pas nos coccyx de taper fortement les sièges. On s’accroche, on rigole à pleine gorge, c’est bien plus marrant que les montagnes russes. Enfin le sol, ha ! Quoi de mieux qu’une petite crêpe pour se remettre de tout ça ? Je vois sur iOverlander — une super application pour voyageur/campeur — que la crêperie s’appelle "La Provençale". QUÉ ? Je suis provençale. On s'attend bien sûr à rencontrer une Française... Mais pas n'importe laquelle, une fille de Moulès un village à 15 minutes du mien qui connaît une amie à nous. Son accent chantant du sud de la France que j’aime tant me ramène l’espace de quelques secondes à la maison au milieu des oliviers, des cigales, avec les vieux qui pointent au boulodrome et les glaçons qui gling gling dans le verre de rosé. Quel plaisir ! En plus les crêpes sont délicieuses, tout cela nous réchauffe le coeur et le corps.


Un spectacle qui ne laisse pas de marbre

Le soir dans notre auberge nous retrouvons Léon, un copain de voyage hollandais rencontré à Punta Arenas qui va rester avec nous quelques jours. Nous faisons une halte au glacier suspendu Queulat. La météo n'est pas fantastique mais n'enlève rien à la grande beauté de cet endroit. Je n'écris rien de plus, je vous laisse juste contempler.


Le magnifique glacier suspendu Queulat

Puis direction le petit village de Futaleufu mondialement connu pour ses spots de rafting. La route est superbe et l'eau de la rivière cristalline. Arrivés sur place nous nous renseignons pour s'essayer à ce sport mais malheureusement aucune agence ne veut se risquer à naviguer sur le monstre... Les pluies ont fait monter le niveau et el rio ressemble d'avantage à un torrent déchaîné. Beaucoup trop dangereux pour le rafting... On est un peu déçu mais bon ainsi va la nature. Nous nous rabattons donc sur une rivière perpendiculaire un peu moins dangereuse bien que comportant des rapides de classe 4, le Rio Azul qui porte bien son nom avec ses eaux bleues. Le guide nous explique les consignes, on flippe un peu mais bon pas le temps d'niaiser, on est déjà sur l'eau. Et là, révélation : on se régale, on adore ça. Cela nous parait même trop court, on en redemande. Remis de nos émotions, nous nous dégottons un petit camping sauvage magnifique en bord de rivière en compagnie d'un couple australien et américain. À nous la liberté, à nous la douce vie.


Une première expérience rafting, on y reviendra

Nous remontons toujours plus vers le nord et nous entrons dans l'immense parc Pumalin, un autre bout de terre acheté et surtout protégé par Tompkins, rendu au Chili après sa muerte... Étant donné le nombre de randonnées nous allons y passer quelques jours. Les campings gratuits sont grand luxe et totalement déserts autant dire la perfection pour nous jeunes renards. D'ailleurs nous en croisons un qui nous jauge du bout de son museau avant de repartir à ses affaires. Et de 7 ! Nous faisons une halte aux Termas el Amarillo pour se réchauffer vraiment après tout ce temps passé en Patagonie, la belle froide.


Pause détente : enfin de l'eau bien chaude dans les Termas el Amarillo

L'endroit vraiment marquant de ce grand parc est le volcan Chaiten haut d'un peu plus 1100 mètres. Sa dernière explosion qui remonte à 2008 a tout rasé sur son passage, obligeant la population de plusieurs villes à fuir. Notez que ce petit bout de terre a quand même envoyé ses cendres jusqu'à Buenos Aires de l'autre coté du continent. C'est un volcan que les locaux pensaient éteint, sa précédente éruption datant d'il y a 200 à 300 ans... Vous imaginez leur surprise quand ce bout de roche qu'ils prenaient pour une montagne a explosé, sans crier gare. Nous traversons les paysages désolés et les villages abandonnés pour enfin arriver à son pied. Ici nous installons notre tente et profitons d'un magnifique coucher de soleil qui teinte la fumée qui s'échappe du cratère d'orange, de rose et de rouge. Quel magnifique spectacle. Il y a aussi un autre volcan, le Michinmahuida, un peu plus loin, beaucoup plus imposant avec un glacier qui forme un magnifique chapiteau blanc et prend aussi des teintes martiennes. Au matin place à l'ascension, on avale les 800 mètres de dénivelé en moins d'une heure et que ce fut hard mes aïeux. On arrive en haut rincés mais faute de me répéter : quel spectacle ! Des arbres géants rasés par le souffle volcanique forment une forêt de désolation aussi sinistre que magnifique. Le cratère quant à lui abrite trois lacs de couleurs différentes et de la vapeur d'eau s'échappe continuellement de la roche, ce qui le rend encore plus menaçant. Nous sommes émerveillés et ne voulons plus redescendre. Ici on prend conscience de notre fragilité et de la force de mère nature. Nous rencontrons un couple de français fort sympathiques, j'ai nommé Jeanne et Mathieu que nous aurons le plaisir de croisé plusieurs fois mais ça c'est pour plus tard. Allez hop on redescend et on s'enfonce un peu plus dans la forêt pour poser notre voiture-maison au bord d'une rivière dans un autre superbe camping gratuit. Merci Tompkins.


Volcan Chaiten, toujours en vie !

Comme nous aimons souffrir on se lance dans un petit trek pour accéder à des cascades escondidas - cachées. Environ 30 minutes de marche nous mènent devant une magnifique cascade encastrée dans une gorge étroite. Quel décor de rêve pour des amants. Les derniers rayons du soleil nous chatouillent gaiment. Et hop ni une ni deux on quitte nos vêtements et on se retrouve à barboter nus comme des vers dans un bassin sous la cascade. Bon d'accord elle est très froide mais quel moment magique suspendu hors de temps. Il restera à jamais gravé dans un coin de notre tête...


Cascadas escondidas...

Le lendemain nous nous arrêtons pour faire le sentier des Alerces, ces arbres millénaires dont certains ont plus de 3OOO ans. Nous n'avions jamais vu d'arbres aussi hauts et de troncs aussi larges. La végétation rappelle celle d'une forêt du Jurassique, on se croirait tout droit sorti du Monde perdu. Au moindre bruit je m'attends à voir fondre sur nous un Velociraptor. On se sent tout petit et on mesure bien mieux l'échelle de la vie et l'impact que l'homme peut avoir, ou ici ne pas avoir, sur les forêts.


Perdus au milieu des Alerces

Nous quittons ces géants oubliés pour aller prendre un ferry non plutôt trois qui nous permettront de traverser les fjords et de rejoindre Puerto Montt. Oups c'est raté pour cette fois on devra attendre le prochain de 15h00. Que faire en attendant ? Un petit coup d'oeil sur le fjord où deux phoques viennent nous saluer puis on apprend qu'il y a une autre balade d'environ trois heures qui mène à une grande cascade. Que demander de plus ? Nous revoici en route dans cette végétation à l'apparence si irréelle : arbres géants, lianes, grottes, pierres, fougères, mousses... De nouveau nous avons le sentiment d'être suivis par un Brachiosaure. Nous remontons le lit d'une rivière et la randonnée se montre plutôt physique, se transformant par endroit en grimpette. J'espère que cette cascade en vaut le coup. Il nous faut traverser la rivière en sautant de pierre en pierre. Vous connaissez tous l'équilibre légendaire de Manon et son aptitude hors du commun à se retrouver les quatre fers en l'air. Par précaution l'appareil photo me revient. Allez elle se lance et à mon grand étonnement elle réussit la traversée et enchaîne les étapes. Bravo. Je peux lire la fierté sur son visage lorsqu'elle atteint le dernier rocher et là... c'est le drame ! Relâchement, perte de concentration et plouf haha. Pas grave il faisait chaud. Nous arrivons à la cascade plus grande et plus impressionnante que celle de la veille bien que moins charmante. Quelle merveille à nouveau. Ni une ni deux Geoof est tout nu et goûte ces eaux glaciales et limpides. Manon s'étant baigné un peu plus tôt par la force des choses... préfère garder ses vêtements et se contente de photographier son Apollon en tenue d'Adam. Nous décidons de rentrer pour ne pas manquer à nouveau le ferry et bien nous en a pris ! Comme il n'y en a que deux par jour il y a une queue de voitures et de camions énorme. On réussit à embarquer et on retrouve nos deux copains Jeanne et Mathieu avec qui on s'émerveille des volcans et des fjords alentours. On sort de temps en temps pour guetter le dauphin, ce ne sera pas pour cette fois. On se raconte nos voyages et nos expériences, on s'échange les bons tuyaux, on prend du bon temps...


Ha le parc Pumalin...

Nous voici arrivés à Puerto Montt, à la fin de la Carretera Austal. Encore une magnifique aventure !! On quitte nos amis se donnant rendez-vous pour un bon restau à Santiago, puis nous filons dans une auberge, retrouver un lit après une semaine de camping sauvage. Demain direction l'île de Chiloé.



From la Carretera Austral with love.


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