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L'ascension du pic Uchitel dans le parc Ala Archa au Kirghizistan

On arrive déjà à la fin de notre aventure kirghize, quelle tristesse, c'est passé beaucoup trop vite. Il nous aurait fallu au minimum un mois de plus, on a à peine vu un tiers du pays. Mais une dernière aventure nous attend, on s'est gardé le plus dur pour la fin...


Au sud de Bishkek, à environ une heure de voiture, se trouve le parc Ala Archa qui est tout simplement sublime. Il compte plusieurs sommets entre 4500 et 5500 mètres avec de nombreuses ascensions possibles. Nous on a ciblé le pic Uchitel, учитель en russe, qui signifie professeur et croyez-moi, on va en apprendre des choses... On nous a conseillé de le faire en 3 jours, car apparemment, c'est assez costaud, mais suite à notre escapade à Kol Ukok, on n'a plus le temps. L'avion est dans 3 jours, donc on se fera ça en deux jours.


INFOS PRATIQUES

DANS NOTRE SAC À DOS



Vue époustouflante sur un glacier et les pics de haute montagnes enneigés en redescendant du Pic Uchitel
Magnifique vue pendant la descente du pic Uchitel


RÉCIT DE NOS DEUX JOURS DE TREK POUR FAIRE L'ASCENSION DU PIC UCHITEL



Jour 1 : De Bishkek à l'entrée du parc Ala Archa en voiture, puis à pied jusqu'au refuge Ratsek en passant par la cascade Ak-Sai

7,5km pour 1220 mètres de dénivelé positif. Ouch.


La jolie cascade Ak-Sai coule dans la vallée du parc Ala Archa sous un ciel bleu magnifique

Après s'être reposés une journée et avoir flâné au bazar de Bishkek pour acheter quelques souvenirs, on est fin prêts pour l'ascension ! Direction le parc Ala Archa et son pic Uchitel. On partage le taxi avec un Anglais et un Canadien de la West Coast rencontrés à l'auberge Tunduk. Ceux-ci veulent juste faire une randonnée à la journée pour voir la cascade Ak-Sai, on marchera donc avec eux jusqu'à elle. La topographie en ce début de trek est étrange : de petites montées extrêmement raides s'alternent avec de longs faux plats. Il fait chaud, donc on en bave un peu, mais les paysages sont vraiment superbes. On arrive assez rapidement à la cascade le temps de profiter du déjeuner avec les deux cocos. On se pose au pied de celle-ci, qui est jolie, mais rien d'extraordinaire.


C'est ici que nous quittons nos compagnons du jour, qui eux rebroussent chemin. Nous, on continue jusqu'au refuge Ratsek. La deuxième partie ne fait que grimper - et beaucoup - au milieu des cailloux. Adieu les faux plats ! En plus, on connaît l'histoire maintenant, on est habitué à ces randonnées en montagnes kirghizes et, pour ne pas changer, on se prend une énorme saucée. Geoof est trempé jusqu'aux os, lui qui n'a pas de pantalon imperméable, il commence vraiment à en avoir marre. Je crois qu'on a trouvé son prochain cadeau de Noël haha. Les rochers sont détrempés et glissants, pas évident avec les petites parties d'escalade. Heureusement, il y a des mains courantes quand c'est vraiment trop chaud. On finit par arriver en fin d'après-midi au refuge Ratsek situé à 3300m d’altitude, qui est une ancienne station météo. Et en plus, le soleil refait son apparition, youpi !


Ici, il y a pas mal de tentes et de nombreux groupes d'alpinistes qui sont là pour faire diverses ascensions, de l'escalade sur glace ou de l'escalade tout court. C'est un petit paradis pour les passionnés, et nous, on est aux anges. Le plus grandiose ici, c'est le panorama. Le refuge est encastré au fond d'une vallée entourée par de nombreux pics enneigés, on est vraiment sur des paysages de hautes montagnes ici. Un énorme glacier surplombe le refuge au nord, et au sud, c'est toute la vallée qui s'étend. C'est vraiment sauvage et hostile, mais surtout sublime. On décide d'aller monter la tente au bout de Ratsek, en face du départ de l'ascension, ça fera ça en moins à marcher demain. Puis on va s'installer dans le refuge pour boire un petit thé bien chaud. Quel bonheur ! On constate que tout le monde est super bien équipé : crampons, baudriers, piolets, casques... Très peu de gens sont en autonomie comme nous, et la plupart sont accompagnés de guides de montagne. On commence un peu à s'inquiéter car certes on n'est pas venus en touristes, bien sûr, mais nous ne sommes pas aussi bien préparés.


Le coucher de soleil teinte de orange les étranges pics rocheux pointus que l'on voit depuis le refuge Ratsek

Finalement, on discute avec un guide anglais super sympa, qui, à cause du Brexit, ne peut plus travailler dans les Alpes et s'est donc replié sur le Kirghizistan. Il nous pose quelques questions puis nous rassure en disant que ça devrait aller pour nous, si la météo est clémente... Bon, c'est déjà ça. Pendant la discussion, une énorme averse s'abat sur nous et sur notre tente, qui est totalement recouverte de glace en quelques minutes, c'est hallucinant ! Apparemment, le refuge prépare de la nourriture bien chaude pour le dîner. C'est un peu cher, mais on se fait un petit plaisir - quel luxe ! - et on réserve un repas. Le soleil est revenu entre temps, alors on va se promener un peu, prendre des photos, puis on fait une petite sieste en attendant le repas. L'ambiance est bon enfant, même s'il y a beaucoup de Russes qui ne se mélangent pas aux autres. On sympathise avec un couple d'Allemands, encore des Allemands ^^. Le repas n'est pas terrible, mais au moins, il est chaud et nous aussi on est au chaud. Nos chaussettes et chaussures sont d'ailleurs en train de sécher elles aussi.


La danse des nuages

Une fois repus, on sort regarder le coucher de soleil qui est magnifique. Il baigne la vallée de teintes rouge-orangées, c'est franchement sublime. Il ne nous reste plus qu'une petite étape avant d'aller au lit : les toilettes. Ah, les toilettes... Parlons-en. Vous n'êtes pas sans savoir qu'ici, les toilettes en nature se résument à une petite cabine avec un trou au milieu du sol. Mais on s'y est accoutumés. Sauf que là, c'est un niveau supérieur : la cabine est perchée sur une crête, et vos petites affaires tombent directement sur le flanc de la colline, visibles de tous. De plus, ce tas d'excréments a gelé et forme une sculpture de... caca. C'est vraiment dégoûtant, Nounette n'a d'ailleurs pas réussi à laisser sa trace... Bref, la première journée est finie. Demain, on attaque les choses sérieuses, donc au lit !


Le refuge Ratsek au coucher du soleil


Jour 2 : Du refuge Ratsek au sommet du Pic Uchitel, puis descente jusqu'à l'entrée du parc Ala Archa à pied, et retour à Bishkek en voiture

12,3 km pour 1130 mètres de dénivelé positif jusqu'au sommet à 4527 mètres d'altitude, et 2350 mètres de dénivelé négatif. Ouch, ouch.


C'est le jour de l'ascension du pic Uchitel qui culmine à 4527 mètres d'altitude. 1130 mètres de dénivelé positif sur 2,4 km (oui, oui, vous ne rêvez pas, je n’ai jamais vu une pente aussi raide) puis une re-descente de 2350 mètres de dénivelé négatif sur environ 10 km.


Nous décidons de nous lever très tôt, avec le lever du soleil, comme conseillé par le guide anglais de la veille. Mieux vaut tenter l'ascension le matin, même si rien n’est certain en haute montagne. Nounette est la première à se lever et revient en furie dans la tente : "Mon cœur, il y a des chamois !". Ni une ni deux, on part à leur rencontre. Toute une famille, avec deux petits, se tient juste à la lisière du refuge, à quelques mètres de nous. Pas du tout farouches, ils doivent probablement venir la nuit voir s’il n’y a rien à chaparder.


Un petit groupe d'Ibex

Le soleil se lève doucement et, avec lui, les chamois regagnent leurs falaises. Nous sommes contents : il fait vraiment beau - même s'il fait froid - alors on se met vite en route et on attaque la montée de la mort. Je n’ai jamais rien vu d’aussi pentu, on est quasiment à 50 % d'inclinaison par moment ! Ça pique, et il n’y a absolument pas de chemin, nous avançons au gré des cairns. Nous gravissons des éboulis rocheux en alternant marche et petite escalade. La vue est sublime : plus on prend de la hauteur, plus le panorama s’élargit sur les pics alentours et le glacier. Nous découvrons de magnifiques formations rocheuses, tout droit sorties du Mordor. De petits lacs apparaissent ici et là, et la vallée par laquelle nous sommes arrivés nous dévoile toute sa beauté. Franchement, c’est l’une des plus belles vues de tout le voyage. Nous nous arrêtons toutes les deux minutes pour prendre des photos. Il y a deux groupes encadrés qui font l’ascension avec nous, et ils sont suréquipés les zouzous ! Ils doivent bien rigoler en nous voyant. Le premier groupe, probablement des alpinistes chevronnés, nous distance rapidement. Le second groupe, un peu plus lent, reste derrière nous (au moins, si on a un souci, on aura qu'à se retourner, haha).


Et, en parlant de souci, voilà que des nuages noirs arrivent - du nord, colorent la terre, les lacs les rivières - rapidement, suivis d’une légère grêle. Tant que ça reste comme ça, ça va. Certes, la vue est beaucoup moins dégagée, mais on peut continuer. Malheureusement, plus on avance, plus la grêle s’intensifie et se transforme en neige, recouvrant le sol et rendant les rochers glissants. On ne distingue plus grand-chose, tout est blanc, mais bon, on se sent bien, et on a déjà fait les deux tiers de la montée, alors on continue, même si on est un peu moins rassurés. Certaines personnes font demi-tour, mais pas tout le monde, donc nous aussi, on continue. Et puis là... c’est le drame ! Une véritable tempête se lève. Le vent souffle fort, la neige redouble d’intensité, il fait très froid, et on ne voit plus rien du tout. On se prend carrément des flocons dans les yeux. On décide de continuer car on est vraiment tout proche, il ne nous reste plus grand-chose, mais on progresse très lentement face au vent, en s’enfonçant dans la neige. C’est vraiment très dur, plus intense même que l'ascension du Huayna Potosi, pourtant à plus de 6000 mètres. On serre les dents et on avance. On arrive enfin sur la crête qui mène au sommet, il ne nous reste même pas 10 minutes d'ascension mais ce qu’on pensait impossible se produit : la tempête redouble d’intensité, on est quasiment dans un blizzard, recouverts de neige. Il fait très, très froid. Nounette ne sent plus ses mains ni ses pieds, elle a froid, terriblement froid, et commence à craquer. J’essaie de la rassurer et de la convaincre de continuer, il nous reste moins de 10 minutes, mais sa décision est prise : elle veut faire demi-tour. Elle s’arrêtera donc à 4480 mètres au lieu des 4527 du sommet. Quant à moi, me voilà tiraillé entre atteindre le sommet et la laisser seule, ou redescendre avec elle.


Ça fait peur, en trois images

Finalement, elle trouve un abri derrière un rocher, et je continue l’ascension, quasiment en trottinant pour me réchauffer. J’atteins le sommet très rapidement, mais on ne voit rien à 10 cm devant soi, c’est un bel échec. Alors je redescends encore plus vite, au lieu d’explorer un peu plus - c’est un sommet relativement plat où l’on peut se déplacer, normalement. Je boucle l’aller-retour en à peine 15 minutes. Je retrouve Nounette, qui a réussi à se réchauffer un peu. Je lui dis : "C’est sans regret, il n’y avait aucune vue, ça n’a servi à rien". Ça la réconforte un peu, et nous entamons la descente, toujours sous la tempête. C’est encore plus ardu que la montée. Il faut faire attention à ne pas glisser, à ne pas poser le pied dans un trou, repérer les cailloux stables et les voies sécurisées. Bref, on galère, mais on avance. Finalement, après plus d'une heure de descente, la tempête cesse, mais le soleil ne revient pas pour autant... Ah, si ! Il se faisait désirer, le coquin ! Il réapparaîtra presque à la fin de notre descente, nous permettant de reprendre quelques photos. Nous arrivons au camp vers 13 heures, totalement exténués. Quelle leçon de vie les amis ! Même si on est habitués, il faut toujours rester humble en montagne, on ne sait jamais ce qui peut arriver. On n’a qu’une envie : se coucher et dormir pendant trois jours environ, mais ce n’est pas possible, il faut plier la tente, remettre nos gros sacs sur le dos et refaire tout le chemin du premier jour en sens inverse.



Allez, on ne s’arrête pas, sinon on ne repartira jamais. Sur le chemin, on voit plein de gens en train de faire de l’escalade sur les parois, ça nous donne trop envie ! Si seulement on avait eu plus de temps, on serait restés ici quelques jours pour faire d'autres sommets et grimper un peu. En définitive, si vous avez l’intention de faire l’Uchitel, on vous conseille trois jours, voire plus. La descente se fait assez rapidement, on a des mollets en béton, pardi ! Le temps est mitigé, mais au moins il ne pleut pas. Nous arrivons finalement au point de départ en fin d’après-midi, et nous sommes sur les rotules comme jamais. Franchement, quelle expérience : épuisante, magnifique, effrayante. Pour le coup, Uchitel nous aura vraiment appris !


Nous retournons à l’auberge Tunduk pour passer notre dernière nuit au Kirghizistan, et le lendemain soir, c’est déjà le retour en avion. C'était un voyage incroyable.


From Uchitel with love.

Geoof et Manon en selfie sous une tempête de neige, on voit les flocons tomber et leurs joues sont rouges

 
 
 

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